Poésie « RAN VALI »

 

S. B

 

 

 

Maman Ranvalli 

J’ai vu la mère courir après son gamin,
Pleurer devant ses enfants dès le matin,
De cette rampe aux souvenirs impérissables,
Le vent ne les a pas effacés sur le sable.

J’ai entendu des « Mamá te quiero »,
Des « ima nhabek », « mamma ti amo »,
Ou, « maman je t’aime », les larmes aux yeux,
C’était les jours où le ciel était toujours bleu.

Voici venir le temps de l’automne des jours,
Nous les enfants de la Ranvalli, aux fidèles amours,
N’oublierons jamais ce que fût nos tendres mères,
Même si parfois nous avons un léger goût amer.

Car la sagesse met du temps à dessiller nos yeux,
Leurs sacrifices nous rattrapent et nous brûlent comme le feu,
Mères qui furent à nos chevets, à nous consoler,
Soyez bénies vous qui nous avaient nourris d’un précieux lait.

 

 

 

La promenade.

Ce matin je me suis promené sur le front de mer.
L’été encore proche, j’oubliais mes tracas.
Accoudé au muret, mon visage fouetté par l’air,
j’écoutais les vagues se briser avec fracas.

Puis j’ai remonté le jardin Guillemin,
apercevant des mères au regard tendre.
Je m’enhardissais, pris le long chemin,
car la Bouzaréah semblait m’attendre.

Alger toute blanche se mariait avec le soleil Roi,
j’admirais les couleurs des figues de Barbarie,
me rappelant les épines aux doigts,
ce jour là avec mes copains, nous avions gagné le pari.

J’approchais l’orée des bois enchanteurs,
bus l’eau fraiche à une fontaine,
des chants d’oiseaux m’enivraient de bonheur,
je profitais pleinement de cette aubaine.

 

 

La fraternité des cœurs sans frontières.

 

 

D’Alger, de Paris ou bien d’ailleurs,

Ravivant ce qu’il y a de meilleur,

Voici que souffle l’ardente prière,

Chez les humbles à l’âme fière.

 

C’est un élan du cœur spontané,

Où la réflexion n’a pas droit de cité,

Où la sournoise rumeur se meurt,

Et laisse s’éclore la délicate fleur.

 

Plus de temps à perdre, l’âge avance,

Sur le Net file l’émotion intense,

C’est un feu d’artifice permanent,

Multicolore, un jeu d’enfant.

 

Ils ont juré qu’il n’y aurait plus de guerre,

Plus de paroles au goût amer,

Ils savoureraient l’ambroisie de leurs fruits,

Dans un partage qui les conduirait au paradis.

 

 

 

Souvenirs, souvenirs.

Vous souvenez-vous
des Gitans de passage,
des Baba Salem, rois mages,
fidèles à leurs rendez-vous ?

Notre cœur se souvient,
les rires éclataient nos tempes,
est-ce un rêve, la joie d’enfant revient,
on ne cesse de penser à la rampe !

Les années ont défilé, triste cortège,
ils nous restent l’amitié partagée,
laissez-nous encore faire du manège,
la place du cheval n’a pas changé !

Ensemble nous boirons le thé à la menthe,
attablés au café Maure de la rue Marengo,
puis nos corps vieillis graviront la pente,
sous un soleil de plomb, près des marchands de berlingot.

 

 

Alger, Alger !!!

 

Dans mon ilot de Saint Maur,
un brin nostalgique,
je vois s’écouler la Marne,
c’est l’été, mais mon cœur est à Alger.

 

A travers leurs escapades,
Là ou mes pieds m’ont souvent porté,
Nadia, Diam et les autres,
Me font revivre des scènes presque oubliées.

 

Jasmin, tu es le roi et tu trônes dans nos cœurs,
Voici l’orange en fleur aux vertus légendaires,
Plus haut l’eucalyptus embaume l’air,
Sous un ciel bleu et une mer d’azur.

 

Je suis resté ado comme beaucoup de mes amis,
Le bagage léger, prêt à de nouvelles aventures,
Car c’est bien connu quoi de plus important que nos racines,
Alors laissez-moi siroter un thé, bercé par une musique mélancolique.

 

 

 

L’amitié.

 

 

Quelques mots ont tout changé,

Ce ne sont pas des mots mélangés,

Mais des mots imprégnés de sentiments,

Qui parlent à nos cœurs d’enfants.

 

Sommes-nous dispersés comme le vent ?

Qu’est-ce ce souffle ardent ?

Et ce feu qui coule dans nos veines ?

N’est-ce pas l’amitié qui efface nos peines ?

 

Des choses oubliées dans nos vieux tiroirs,

N’ont que faire de nos regards dans le miroir,

Les années ont passé, les rides nous le rappellent,

Mais les sentiments s’échappent pêle-mêle.

 

Voici que les quartiers qui nous ont vus naître,

Par les amis  nous les font renaître,

La Basseta, la Casbah, que sais-je encore ?

Du bonheur qui nous rend un peu plus fort !

 

 

Ran vali,



Quand je pense à toi,

Le quartier s’éveille,

L’enfant que je suis s’émerveille,

Car je comprends que j’étais fils de Roi.




L’amitié n’était jamais au repos,

De Barberousse tout en haut,

Jusqu’au lycée Bugeaud,

L’amour n’était pas un vain mot.



L’eucalyptus flattait nos narines,

Le chardonneret sifflait dès le matin,

L’orange amère s’offrait à nos frêles mains,

Notre regard portait jusqu’à l’onde marine.



Les quartiers s’animaient à la moindre nouvelle,

Nos mères nous protégeaient au-delà du raisonnable,

Respectueux nous étions d’un naturel aimable,

Mais intrépides pour paraitre devant les filles belles.



Nous voici devenus séniors, à l’allure sereine,

Eparpillés mais heureux sous nos toits,

Notre cœur ne cesse de battre pour toi,

Tu demeures à jamais notre Reine.

 

 

 

 

 

Les enfants de la Rampe.

 

 

 

étiez vous enfants d’Abraham quand nous dévalions la rampe ?

Nos frêles jambes ne cessaient de nous porter dans ses lacets,

du jardin Marengo jusqu’au stade, on ne se lassait,

humant les eucalyptus jusqu’à éclater nos tempes.

 

Vous étiez dans les limbes, attendant de naître dans ce quartier,

et nos mères sacrifiées se lamentaient sans cesse,

dans le secret de leur cœur se déroulait une messe,

où l’on devinait à leur sourire qu’elles nous voulaient entier.

 

Car chemise au vent les biceps fleurissant,

l’insouciance se régalait de nos jeux et de nos pépins,

et la fontaine près des célèbres escaliers de la rue Papin,

de son eau claire venait laver nos genoux en sang.

 

Sournoise l’heure fatidique nous guettait dans le noir,

nous redoutions la colère du père finissant son labeur,

sachant que nous devions rendre compte de nos ardeurs,

nous attardant à l’entrée d’une porte amie d’un soir.

 

Venait le matin, hélé par un copain, oubliées les promesses,

l’épicier nous voyait courir d’un pas certain,

partir vers les bains au bas de Guillemin,

attendus par les vagues emplies de leurs richesses.

 

Nous ne nous attardions pas en passant devant monsieur Bérenguer,

ni devant l’ami Saïd au milieu de ses fruits et légumes, l’allure fière,

occupé à enrouler son turban et attendant l’heure de la prière,

passés les orangers, la voie était ouverte, nous étions gais.

 

Affublés de nos bouées, masques et tubas, un peu fous,

le sirocco brûlait nos visages devenus noirs,

croisant au passage gitans et gens de foire,

chiens à nos trousses, l’aventure était au rendez-vous.

 

Les jours de bonheur filaient, L’Eden, Franco, la mer…

la rentrée s’annonçait par des : « Je passe chez monsieur Tur »,

l’angoisse nous paralysait, pensez c’était un dur,

un bras en moins, mais une volonté de fer.

 

Mais le scoop nous attendait toujours près de l’entrée,

monsieur Deswarte garait le side-car dans le passage,

casques et lunettes n’enlevaient rien à la blondeur de son visage,

à sa fine moustache et à son éternelle cigarette adorée.

 

Pour nos maîtres, nous étions de dociles valets,

chantant avec eux, complices d’un moment précieux,

puis venait la dictée avec ses pièges malicieux,

les yeux grands ouverts nous rêvions de la rampe Valée.

 

 

 

 

 

Ā celui qui fût notre Maître, (Monsieur Deswarte).

 

 

 

Un  parfum de rose s’en est allé,

rejoignant son monde,

celui du savoir,

de la pédagogie.

 

Ici et ailleurs,

parents ou élèves,

se souviendront toujours

de sa noblesse.

 

Nos pensées s’unissent,

Les frontières n’existent plus,

le miracle existe,

il vit dans nos cœurs.

 

Dans un élan spontané,

nous, les anciens de la rampe,

disséminés par un curieux destin,

nous lui disons MERCI !

 

 

 

 

 

Cinquante après le souvenir vivace du mendiant qui habitait la rue Parmentier et que beaucoup d'entrevous ont du connaitre est venu me parler il y environ trois ans. Ce vieillard qui m'émouvait marchait très mal, il avait une jambe de bois. Il était souvent adossé sur le mur qui faisait face à la mosquée Sidi-Abderrahmane. J'étais ado et lorsque je passais devant lui souvent je lui donnais une pièce. Entre-nous quelque de fort c'était crée, quelque chose de mystique qui touchait mon cœur.
Cet homme avait un regard si expressif, si doux que cela m'émouvait à chaque fois. Le matin il me tardait d'aller à sa rencontre. Bien sur il m'est arrivé de passer devant lui sans lui faire l'aumône, et cela avait pour conséquence de me rendre soucieux car j'avais la conscience éveillée et elle me parlait intérieurement et me faisait des reproches.


Les trémolos.

Ni l’ombre de l’imposture,

Ni l’implacable froidure,

En cette allée d’orangers

Ne troublent mes jeunes années.

 

Seul le vent qui sème l’effroi

Hâte la course vers mon roi,

L’humble vieillard endimanché

D’oripeaux des charités.

 

Sans cesse, il psalmodie

Des refrains d’un temps fini,

Mélopée aux secrets accents

Des rives parfumées d’orient.

 

Enfin, ma pièce jaune

Consacrée sert l’aumône,

Et, sous sa barbe drue des ans

Se blottit dans une main sans gant.

 

L’aube rend l’éclat des roses,

Mais je ne veux qu’une chose,

Revoir l’immaculée lueur

De ses yeux voilés de pudeur.

 

Aux jours las qu’égrène le temps,

Quand s’épousent passé, présent,

Ses trémolos chers à mon cœur

Sourdent et bourdonnent en chœur.

 

Dans les rêves il m’apparaît

De pièces jaunes couronné,

Assis sur un trône antique,

Au bouton, la rose mystique.

 

 

 

 

 

 

Aux anciens de la Rampe,

 

Remonter le jardin Marengo,
les narines flattées par l'oranger,
sans se faire piéger par le gardien,
ramasser quelques pignons de pin.

 

Puis siroter au café Maure un thé à la menthe,
bercé par une musique suave,
revoir les enfants taper le ballon,
tirer aux noyaux, jouer aux billes,
se souvenir des copains d'avant,
l'innocence plein les yeux,
rever de Tarzan, de Zorro

 

Se rappeler des sorties de classe,
après le chant à tue-tete,
désolation des instits,
puis comme une bande de moineaux,
s'éparpiller dans les ruelles du quartier.

 

 

 

Maman

 

Mères du sacrifice,

Mères du monde,

Mères de la Ranvali,

Maman, Ima, Madre.

 

Pleurs d’enfant,

Joue contre joue,

Mère tendresse,

Dans la pénombre du soir.

 

Révolte d’ado,

Cri contre cri,

Mère chagrin,

Cachée dans le noir.

 

Enfin complices,

Rire fusionnel,

Mère passion,

Du soleil plein les yeux.

 

Je me souviens de tout,

Alors je t’enlace,

T’embrasse,

Et te porte au ciel.

 

 

 

 

Mon jardin Marengo.

 

Nous étions enfants près du bassin,

A voir les poissons rouges et blancs,

A bouger, à courir en culottes courtes,

A dire « Maman, maman regarde comme ils sont gros.

 

 

Tout près dans les allées ombragées,

Sur des bancs groupés, cigarettes aux lèvres,

Les chenus refaisaient l’histoire,

Et le gardien ses interminables rondes.

 

Nos corps frêles étaient en sueur,

Le sirocco annonçait la couleur,

Nos gorges se désaltéraient à la fontaine,

En cascades l’eau fraiche dévalait dans nos gosiers.

 

Voici qu’apparaissait le maitre des lieux,

L’allure imposante, l’œil vif, le regard sévère,

Coiffé de son casque colonial,

A la main sa fine baguette.

 

Nos jambes fatiguées se dirigeaient vers un banc,

Nos mères suivaient cabassette à la main,

La bouteille de sélecto apparaissait comme par miracle,

Suivie des biscuits délicieux pour nos fins palais.

 

De ces moments nos cœurs ne cessaient d’en réclamer,

Mais vendredi s’annonçait, la classe, le tableau…

Il fallait regagner le foyer, la vigueur renaissante,

Passés la grille, la rampe semblait nous attendre.

 

 

 

Le jardin Guillemin,

 

Je ne peux oublier le jardin Guillemin,

Adolescent je restais de longs moments, rêveur,

Enivré par les parfums lourds du matin,

Et l’iode marine qui se mariait avec les fleurs.

 

Le jardinier besogneux, tout à son art,

Ratissait, arrosait, son bien précieux,

Il ne disait mot, seul me parlait son regard,

Qui enlevait ce qu’il y avait en moi de malicieux.

 

Sans doute m’avait-il aperçu cueillant les pois orangés,

Ces petites grappes colorées au gout particulier,

Sans être nettoyées ou lavées étaient avidement mangées,

Et je n’étais pas fier, ni bien dans mes souliers.

 

J’avais le privilège d’être presque un enfant,

Mes frêles jambes dans ces cas là, avec frénésie,

Dévalaient le jardin droit devant,

Sans se soucier un instant de mes fantaisies.

 

Cette descente n’en finissait pas, en bas,

Un autre panorama s’offrait à mes yeux,

Le tramway, le manège, j’étais tiré d’un mauvais pas,

De nouveau je m’asseyais et admirais la belle bleue.

 

 

Nano au grand cœur,

 

Il habitait au 36 rue Réaumur,

Banal, n’est-ce pas ?

Nano qu’il s’appelle, pas un dur,

Plutôt un type sympa.

 

La nostalgie s’est fait entendre !

Plusieurs décades s’étaient écoulées,

Il ne pensait qu’à s’y rendre,

Quitter le ciel gris pour l’Alger.

 

Lui, l’enfant du pays, revoir ses amis,

Après une si longue absence,

Vivre de nouveau, s’éloigner de l’infamie,

Pleurer à chaudes larmes en silence.

 

Tout près de sa belle rue,

Des gamins en haut de la pente,

Tirent aux noyaux, à moitié nus,

Lui sirote un thé à la menthe.

 

La belle bleue lui sourit,

Des parfums oubliés flattent ses narines,

Une musique suave et le voilà endormi,

Il semble être bercé par l’onde marine.

 

Sûr, il rêve de sa jeunesse,

De l’insouciance, de l’aventure,

Des filles belles aux yeux qui baissent,

Pudiques, au cœur pur.

 

 

 

 

 

 

 

Le soleil d’Alger.

 

Voici qu’un vent porteur d’espoir,

imprègne les cœurs des Ranvalis.

ils n’y croyaient plus, le temps avait pali

leurs visages dans la pénombre du soir.

 

Le soleil roi attendait ce moment,

d’Alger il avait fait sa résidence,

réchauffant les cœurs avec persévérance,

telle l’amour d’une mère pour ses enfants.

 

Plusieurs décades s’étaient écoulées,

et voici comme par miracle,

l’internet portant au pinacle,

leurs sentiments qui les soulaient.

 

L’un racontant la belle bleue,

d’autres remontant la rampe main dans la main,

on sentait même l’oranger et le jasmin,

sous un ciel toujours bleu.

 

L’adolescence reprenait le pas,

se rappelant les jeux d’autrefois,

La marelle, les tirs de noyaux, fils et filles de roi,

la vie intense les éloignait du trépas.

 

Pour eux ils avaient toujours quinze ans,

l’innocence et la droiture du cœur,

sachant qu’ils devaient ces instants de bonheur,

au sacrifice et au dur labeur de leurs parents.

 

 

 

 

Bab’jdid,

 

A peine douze ans,

les copains guère plus,

on ne tient plus,

on va de l’avant.

 

On est sous le choc,

Elvis ta musique résonne,

Nos têtes bourdonnent,

Je veux un d’jean, un froc !

 

La rue Papin, les escaliers,

je veux une kmdja rouge

Hacène chante, bouge,

On monte par paliers.

 

On entend des you, you, you,

Là-haut, là-haut,

on veut être beaux,

Comme dans ‘Loving You’ !

 

Chouette, il y a Idir,

Francis le sicilien,

Ya même le khmar du coin,

Qui brait à n’en plus finir.

 

Bab’jdid semble nous attendre,

Déjà Louis marchande,

sa jaquette, telle une offrande,

le vendeur pas pressé de vendre.

 

Vonvon a les crocs,

Je fais une photo,

Merguèzes  et sélecto

Et le voici doux comme un agneau.

 

Bélil veut revoir ‘Loving you’,

Elvis il veut encore l’entendre

C’est un pur au cœur tendre,

Nous on n’est pas des voyous !